Tous les 5 à 7 ans ICF revisite son modèle de compétence pour l'adapter aux enjeux du métier au regard de la pratique des coachs.
En attendant les traductions officielles de ICF France des documents publiés par ICF Global ainsi que des éclaircissements attendus par la communauté, nous avons déjà voulu en partager les évolutions, une interprétation et les questions posées par cette révision.
ndlr: Cette analyse est faite à partir de nos traductions et pas les traductions officielles ICF.
Le référentiel de compétences ICF 2025, publié en septembre, marque donc une nouvelle étape dans la maturation de la profession. Plutôt qu’une rupture, il s’agit d’une révision stratégique qui traduit les transformations profondes du métier depuis 2019 : intégration des technologies, émergence de l’intelligence artificielle, diversité culturelle grandissante, et attention accrue au bien-être holistique du coach.
Résultat d’une analyse rigoureuse menée pendant 14 mois auprès de près de 3 000 coachs, cette mise à jour reflète une question centrale : comment le coaching peut-il continuer à incarner une présence humaine et consciente dans un monde technologique et complexe ?
Source étudiées:
- 2025 ICF Core Competencies : https://coachingfederation.org/wp-content/uploads/2025/09/icf-cs-core-competencies-2025.pdf
- ICF Core Competencies 2019-2025 Comparison Chart : https://coachingfederation.org/wp-content/uploads/2025/09/icf-cs-core-comptencies-comparison-2025.pdf
Une évolution mesurée, mais pleine de sens
L’architecture à huit compétences principales reste inchangée, signe de la solidité du modèle 2019. En revanche, l’ajout de cinq nouvelles sous-compétences, la révision de onze autres et la création d’un glossaire de 30 termes visent davantage la clarté que la révolution.
Autrement dit, il ne s’agit pas de tout redéfinir, mais d'appréhender plusieurs subtilités qui peuvent amener des réflexions profondes sur la posture.
« La structure ne change pas, mais le diable est dans les détails… Les sous-compétences nous obligent à une vraie remise en question. » (coach MCC, LinkedIn)
Compétence 2 : L’État d’esprit de coaching au cœur de la transformation
Parmi toutes les évolutions, c’est sans doute la Compétence 2 qui concentre le plus de changements.
Sa définition révisée en dit long : au-delà du simple maintien d’un état d’esprit ouvert et curieux, elle intègre désormais l’engagement dans l’apprentissage continu et le travail avec des superviseurs ou coachs mentors. Cette révision ancre fondamentalement dans les compétences clés, les obligations du coach de développer continuellement leurs compétences jusqu'alors stipulées dans le code de déontologie et rendues incontournables pour le renouvellement de certification du coach. L'amélioration continue du coach à travers la formation, le mentorat et la supervision n'est plus simplement un devoir, mais doit être incarnée.
Le développement continu redéfini (2.02)
L’ajout de la mention « restant conscient des meilleures pratiques actuelles de coaching et de l’utilisation de la technologie » ancre la profession dans son temps.
Peut-on encore coacher aujourd’hui sans comprendre les outils numériques, les plateformes collaboratives ou même l’IA ? Probablement pas.
Cette formulation reconnaît que la technologie n’est plus périphérique : elle fait partie intégrante du métier. D’ailleurs, l’ICF a publié en parallèle un cadre spécifique sur l’IA en coaching, preuve que la question n’est plus marginale. En matière de technologies, ce sont par exemple les automatisations de tâches, l'analyse de données complexes (bien qu'encadré en France par la CNIL sensible à l'analyse par IA de profils humain) et la réalisation de feedbacks instantanés qui sont questionnés, et cependant, qui sont autant d'atouts de l'IA qui permettrait aux coachs de se concentrer sur l'essentiel, l'accompagnement humain et personnalisé de leurs clients. « Ne rentrez pas en compétition avec l'IA ! » exprime dans cet article Anna Gallotti, co-présidente du Comité IA de l'ICF, invitant à la collaboration avec ces outils tout en respectant la déontologie.
La conscience des biais (2.04)
Le passage de « contexte et culture » à « biais, contexte et culture » traduit une prise de conscience collective.
Nos biais, conscients ou non, façonnent la relation de coaching. Leur reconnaissance explicite favorise une pratique plus réflexive, inclusive et culturellement compétente.
Cette évolution s’aligne d’ailleurs sur le Code d’Éthique ICF 2025, qui renforce sensiblement son vocabulaire autour de la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI).
« Enfin, on aborde les biais comme un sujet à part entière, et pas juste comme une variable culturelle parmi d’autres. » (coach, LinkedIn)
De la régulation à la gestion émotionnelle (2.06)
Le changement peut paraître subtil, mais il est porteur d’une évolution de posture : passer de « réguler » à « gérer » ses émotions, c’est passer du contrôle à la conscience. il traduit une approche plus mature et moins mécaniste.
Le coach n’est plus celui qui maîtrise froidement ses réactions, mais celui qui accueille et navigue sur ses émotions avec intelligence.
Le bien-être holistique (2.07)
C’est sans doute l’une des transformations les plus profondes.
L’ancienne sous-compétence parlait de « se préparer mentalement et émotionnellement pour les séances ».
La nouvelle demande de « maintenir un bien-être émotionnel, physique et mental en préparation, pendant et après chaque séance » élargit tout : le temps (avant, pendant, après) et la dimension (émotionnelle, physique, mentale).
Le message est clair : on ne peut plus dissocier le métier de coach de la question du bien-être du praticien.
Comment accompagner l’autre vers un mieux-être si l’on néglige le sien ? Une question d'alignement et de congruence du coach. Cette évolution répond aussi aux risques d'épuisement professionnel, particulièrement dans un contexte où les coachs jonglent avec des charges émotionnelles intenses de leurs clients.
Ouverture, curiosité et influence (2.09 – 2.10)
Deux nouvelles sous-compétences viennent enrichir la présence du coach :
2.09 « Cultive l'ouverture d'esprit et la curiosité envers soi-même, le client et le processus de coaching. »
2.10 « Reste conscient de l'influence de ses pensées et de ses comportements sur le client et les autres. »
Cette nouvelle sous-compétence 2.09 souligne que la curiosité n'est pas qu'une qualité personnelle du coach, mais un élément à nourrir activement chez soi-même, chez le client, et dans le processus lui-même. Cette triade renforce l'idée que le coaching est un espace d'exploration partagée.
Quand à cette compétence de rester conscient de l'influence de ses propres pensées et comportements sur le client et les autres, introduit une dimension systémique et relationnelle. Le coach ne peut plus se percevoir comme un facilitateur neutre : ses propres processus internes impactent directement la dynamique de coaching.
Sa présence peut influencer, son regard peut orienter, sa curiosité peut ouvrir ou fermer des possibles.
Compétence 3 : Philosophie de coaching et flexibilité contractuelle
La philosophie de coaching (3.01) :
Mais c’est aussi une invitation à la réflexion identitaire : qu’est-ce qui me distingue comme coach ? quelles sont mes croyances, mes influences ?
L'engagement vers les objectifs (3.02) :
Clôture respectueuse (3.11) :
Revisiter l'accord (3.12) :
Cette nouvelle sous-compétence reconnaît que les besoins des clients évoluent. Un objectif pertinent en début d'engagement peut ne plus l'être trois mois plus tard. Cette flexibilité contractuelle valorise l'agilité et la réactivité du coach face aux changements du client.
« Revisiter l’accord de coaching en cours de route : cela fait évoluer la relation vers plus de flexibilité. Certains clients ne comprennent pas forcément au début ! » (coach, LinkedIn)
La révision de ces sous-compétences rappellent finalement que la relation de coaching est vivante. Les objectifs évoluent, et la manière de terminer une relation compte autant que la manière de la commencer.
Compétence 5 : La présence incarnée
Conscience de ce qui émerge (5.03) :
Comment rester ancré dans cette double (voire triple) écoute sans se perdre ? La présence est un art.
Compétence 6 : Une écoute active toujours plus fine
Les ajustements syntaxiques (6.02 et 6.05) peuvent sembler mineurs, mais ils reflètent une attention au processus continu de la communication. Le passage de "ce que le client a communiqué" à "ce que le client est en train de communiquer" souligne le caractère dynamique et évolutif de l'écoute active, qui doit s'ajuster en temps réel, au vivant et mouvant
Le coach écoute non pas ce qui a été dit, mais ce qui est en train de se dire.
Compétence 7 : Entre connaissance et insight
Le débat sur le "knowledge" (7.11) :
- Sans attachement (tel que formulé dans le texte) : le coach ne doit pas être investi dans l'utilisation que le client fera de cette information.
- Avec consentement : le partage doit être contractualisé avec le client (le coach propose et n'impose pas, issu des bonnes pratiques des coachs)
- Au service du client : l'objectif reste de créer de nouvelles prises de conscience, non d'imposer une solution (le coach propose et n'impose pas, issu des bonnes pratiques des coachs)
Certains praticiens craignent que cette ouverture n'encourage une dérive de conseil, tandis que d'autres y voient une reconnaissance pragmatique de la réalité du terrain. L'ICF semble parier sur la maturité professionnelle des coachs pour respecter cette frontière avec discernement.
« Partage des observations, des connaissances et des sentiments, sans attachement, qui ont le potentiel de créer de nouvelles idées pour le client » - le coach joue le rôle d’auditeur, d’observateur, de réflecteur, d’enquêteur / explorateur, de partenaire, etc. tout en coachant le client. La forme de connaissance n’est pas nécessairement l’expertise du domaine du client, je considère la connaissance comme la conscience de soi, la conscience du client, la conscience situationnelle, etc., non limitée aux connaissances théoriques qui pourraient aboutir à la défense des intérêts. ICF doit clarifier la description du comportement." (Coach MCC, Linkedin)
Je ne suis pas fan du point « partage des connaissances ». Je pense que cela va faire plus de mal que de bien. J’espère que les instituts de formation de coachs et les mentors l’interprètent comme il est prévu plutôt qu’à leur manière. (Coach MCC, Linkedin)
Compétence 8 : La durabilité du changement
Intégration et maintien du progrès (8.07) :
Cette nouvelle sous-compétence transforme la perspective temporelle du coaching. Il ne s'agit plus seulement de concevoir des actions pour la prochaine séance, mais de "s'associer au client pour intégrer l'apprentissage et maintenir le progrès tout au long de l'engagement de coaching". Cette vision longitudinale encourage les coachs à penser en termes de transfert d'apprentissage, d'ancrage de nouvelles habitudes, et de durabilité du changement au-delà des sessions. On sort d’une vision court-termiste pour penser le coaching dans la durée. Comment aider le client à ancrer durablement ses apprentissages ?
De la célébration à la reconnaissance (8.08) :
Il s'agit ici du remplacement de "célèbre" par "reconnaît" (acknowledges). Il serait intéressant d'avoir la raison de cette évolution par ICF. Cela nous renvoie à la présence consciente du coach et à sa capacité de voir le client dans son évolution sans s'approprier le succès, ni en exagérer la portée et donc sans y déposer une forme d'implication émotionnelle trop importante. Cependant cela peut amoindrir la dimension humaine et empathique et donc la chaleur que pouvant apporter une célébration.
Le glossaire : une boussole commune
L’introduction d’un glossaire de 30 termes est un signe de volonté d'alignement collectif.
En définissant des notions comme redevabilité, biais, philosophie de coaching, bien-être, technologie ou sans attachement, l’ICF construit un langage commun et limite les interprétations flottantes.
Quelques définitions méritent d’être relues attentivement :
Biais : "Une différence dans la perception, l'interprétation ou le jugement - façonnée par des croyances, valeurs, préférences et hypothèses culturelles intériorisées - qui peut résulter en une induction pour ou contre une idée, un objet, un groupe ou un individu."
Bien-être : "L'état émotionnel et psychologique global de santé et de bonheur d'une personne, englobant la résilience, les émotions positives et la capacité d'adaptation efficace aux défis de la vie."
Technologie : "Outils, plateformes et systèmes utilisés par les coachs pour améliorer le processus de coaching. Cela peut inclure des plateformes de coaching numérique, des applications d'auto-coaching, des outils de visioconférence et des systèmes d'IA facilitant le suivi des objectifs, la communication et le suivi des progrès."
Sans attachement : "La pratique de s'engager dans le processus de coaching sans être excessivement investi dans des résultats spécifiques."
Quelles implications concrètes pour les coachs ?
Ces changements implique une adaptation sur plusieurs plans :
Formation continue et supervision : Les coachs doivent désormais intégrer formellement la supervision dans leur développement professionnel et se former aux technologies émergentes.
Réflexivité accrue : La conscience des biais, de son influence, et de ce qui émerge en séance demande un travail introspectif régulier, potentiellement soutenu par des outils de pratique réflexive.
Documentation de sa philosophie : Les coachs doivent être capables d'articuler clairement leur approche, leurs influences théoriques, et leurs principes directeurs.
Gestion du bien-être : L'attention holistique à son bien-être avant, pendant et après les séances nécessite des routines d'hygiènes de vie physiques et mentales.
Maîtrise des frontières professionnelles : La clarification sur le partage de connaissances exige une vigilance accrue pour ne pas basculer dans le conseil ou la consultation.
Vers un coaching plus mature et responsable
Le référentiel 2025 ne révolutionne pas le coaching, mais il l'affine, le contextualise et le prépare aux défis contemporains. C'est un modèle qui invite chaque coach à grandir, non seulement dans ses compétences techniques, mais dans sa présence, sa conscience et son engagement envers une pratique éthique et durable.
Il questionne le coach.